jeudi 14 mai 2009

Érotisme vs Pornographie

Érotisme ou pornographie : Sacré ou profane ? Intérieur ou extérieur ?

Y a-t-il là dichotomie irréductible ou bien sommes-nous dans un continuum différemment perçu selon les époques ?

Voici ce qu’en pensait Henry Miller cité par Philippe Djian sur son Ardoise (Paris: Julliard, 2002). Un écrivain doit-il aborder la pornographie ?

" ... les prudents se réfugient dans l’érotisme - voyez leur sourire satisfait, leur jardin à la française, humez leur parfum suranné -, les autres, ceux qui croient encore à quelque chose, devront se battre à mains nues : pas de production hollywoodienne ni panoplie de métaphores chatoyantes. Pas de faux-fuyants ni de poudre aux yeux : juste le vocabulaire de base, sec et dur à s’en briser les mâchoires. Pas de clin d’œil, de complicité, de connivence avec le lecteur, ce qui est le fond de commerce de l’érotisme, non, pas de cette vulgarité là. Pas de cette pudeur autrement nauséabonde qui ravale la sexualité au rang de l’entertainment.

Regarder la sexualité en face, et se donner ainsi les moyens d’y comprendre quelque chose (quelles forces animent quoi - ou qui si l’on veut faire plus court), passe obligatoirement par la pornographie, à moins que l’on ne choisisse de piétiner sur place. Malheureusement, il n’y a pas de pornographie dans les sex-shops, il n’y a que de la merde, et il faut chercher la pornographie là où elle se trouve : chez les rares cinéastes et les quelques écrivains qui l’ont considérée comme un matériau noble, consubstantiel à la nature humaine et donc fichtrement digne d’intérêt.

... et si la seule réalité, le meilleur moyen de "penser notre époque" était contenu dans une scène de baise ? Si le miroir le plus juste de notre société s’y trouvait concentré ? Si l’on pouvait y décrypter la somme de nos terreurs, de nos angoisses, de nos joies et de nos peines, je veux dire de notre condition, ici et maintenant ? Et d’une manière plus triviale, si notre façon de baiser, les rapports que nous entretenons avec le sexe, comme nous en parlons et comme nous le pratiquons, avec quels mots, quelle brutalité, quels silences, et dans quelles positions, et avant, et après, et dans quel état d’esprit, et dans quelle intention, et avec quelle part de nous-mêmes, et jusqu’où, et pourquoi... et si toutes ces questions amenaient une réponse, si l’on consentait à les considérer objectivement une seule minute, ne se trouverait-on pas en présence du plus magistral instantané que l’on puisse espérer, de la plus sensible esquisse de la réalité ?

Ceci dit, vous faites comme vous voulez."

– Billet de Jean-Louis MILLET

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