vendredi 11 avril 2008

Les manipulateurs

Les manipulateurs savent se dissimuler sous différents masques dont ils se servent pour mieux manœuvrer leurs proches. Ils sont passés maîtres dans l’art de modifier ces masques selon les personnes, les situations et les buts visés. Ils peuvent être sympathiques ou dictateurs. Le manipulateur sympathique ne l’est que pour un certain temps. Lorsque nous touchons à son pouvoir ou à son territoire, il se transforme instantanément. Lorsqu’on lui refuse quelque chose, il devient ironique, sarcastique et même méchant.

Comment reconnaître un manipulateur ?

- Il culpabilise les autres, au nom d’un lien familial, d’une amitié, de l’amour, etc.
- Il reporte sa responsabilité sur les autres et se démet de ses propres responsabilités.
- Il ne communique pas clairement ses demandes.
- Il répond de façon évasive.
- Il change ses opinions, ses comportements, selon les personnes ou situations.
- Il invoque toutes sortes de raisons pour déguiser ses demandes.
- Il exige des autres la perfection et une réponse immédiate à ses besoins.
- Il met en doute la compétence, les qualités des autres ; il critique, dévalorise et juge.
- Il fait passer ses messages par d’autres au lieu de le faire lui-même directement.
- Il sème la zizanie, crée la suspicion, divise pour mieux régner.
- Il joue à la victime pour se faire plaindre.
- Il oublie les demandes des autres, après avoir promis de s’en occuper.
- Il utilise les principes moraux des autres pour ses besoins (notions de charité, etc.)
- Il menace de façon déguisée ou utilise le chantage.
- Il change carrément de sujet au milieu d’une conversation.
- Il évite ou fuit un entretien, une réunion importante.
- Il tente de démontrer sa supériorité et se moque de l’ignorance des autres.
- Il ment constamment.
- Il prêche le faux pour savoir le vrai et déforme les faits à son avantage.
- Il est égocentrique à l’extrême.
- Il est jaloux des autres.
- Il ne supporte pas les critiques le concernant et nie l’évidence.
- Il ne tient aucunement compte des besoins des autres.
- Il attend au dernier moment pour demander, exiger ou contraindre.
- Il dit une chose alors que son attitude et ses actes démontrent le contraire.
- Il utilise la flatterie pour obtenir ce qu’il veut.
- Il crée un sentiment de malaise chez les autres.
- Il prend tous les moyens pour atteindre ses buts au détriment des autres.
- Il force à faire des choses qu’une personne n’aurait pas faites de son plein gré.
- Il est constamment l’objet de discussions entre les gens qui le connaissent.

On peut qualifier de manipulateur celui qui possède une dizaine de ces caractéristiques. Il faut évidemment faire une distinction entre faire de la manipulation de temps à autres et être un véritable manipulateur. Il est possible de retrouver dans notre comportement trois ou quatre de ces caractéristiques sans que cela fasse de nous des manipulateurs. Un véritable manipulateur n’agit pas comme tout le monde. Il ne s’agit pas chez lui d’un comportement passager. Le manipulateur manipule car il ne peut faire autrement. Il s’agit pour lui d’un système de défense, souvent inconscient. Malgré les apparences, le manipulateur n’a pas confiance en lui. Il ne peut exister sans la présence des autres et se construit en dévalorisant les autres. Les besoins, les droits des autres, sont pour lui très secondaires. Il a besoin des autres comme un noyé a besoin de s’accrocher à une bouée. Ce n’est qu’en dévalorisant, en culpabilisant et en critiquant les autres, qu’il se valorise et se déresponsabilise.

Les buts du manipulateur

Le but premier du manipulateur est de tenter de faire reconnaître qu’il est plus intelligent, plus compétent, plus bon, plus généreux que les autres. Comment s’organise-t-il ? Il observe, teste, épie ou s’arrange pour relever les failles et les défauts des autres. De cette façon, il peut s’en démarquer lui-même. En relevant une faille chez l’autre, il ne peut qu’être différent, selon lui. On appelle cela le phénomène de projection. Le manipulateur reproche à l’autre des lacunes qui sont les siennes. C’est une logique courante qui amène à la conclusion suivante chez la victime : « S’il me reproche de l’être, il ne peut l’être lui-même ». C’est cette fausse évidence qui nous piège et nous déstabilise.

Comment devient-on manipulateur ?

Il s’agit d’un système de défense mis en place dès l’enfance. On ne devient pas manipulateur du jour au lendemain. Le mécanisme de défense du manipulateur est différent de tout autre mécanisme, en ce sens que la manipulation est systématiquement utilisée comme moyen de survie. Ce mécanisme devient automatique chez le manipulateur. Il devient son seul et unique mode ; le seul qui lui permette de communiquer. Un manipulateur forge sa personnalité dès l’enfance. Enfant manipulateur, il a commencé par noter les failles affectives de ses parents pour mieux les faire souffrir par la culpabilisation. Il a compris rapidement que ce moyen lui donnait du pouvoir sur eux. La plupart des manipulateurs ont été considérés, dès leur enfance, comme plus intelligents, plus malins que les autres enfants. Ils ont été des enfants-rois, trop admirés, trop gâtés, qui ont obtenu ce qu’ils voulaient en utilisant la manipulation. Ils ont évidemment conservé cette attitude en vieillissant.

Le manipulateur est-il conscient de l’être ?

Environ 20% des manipulateurs sont bien conscients de leur état et en jouissent, puisqu’ils confondent ce pouvoir avec de l’intelligence. Ils prennent plaisir à être désagréables, à déstabiliser et culpabiliser les autres. La plupart cependant, n’ont pas conscience des dégâts qu’ils causent. Ils ne réalisent pas les conséquences de leurs actes : dévalorisation, perte de confiance en soi, stress intense, destruction psychique avec répercussions sur les plans physiologiques et physiques. L’attitude du manipulateur est semblable à celle du paranoïaque : surestimation du moi, méfiance, susceptibilité, agressivité. Le manipulateur attribue aux autres les intentions persécutrices qui sont les siennes. Le manipulateur ne se remet jamais en question. Hormis quelques rares exceptions, le manipulateur n’est pas conscient de son attitude dévastatrice. Son égocentrisme est tellement puissant que ce seul facteur suffit à expliquer son ignorance des dommages qu’il cause.

Les dommages causé par un manipulateur

Un manipulateur est indéniablement un rongeur d’énergie. La victime dira : « Il me pompe toute mon énergie » ou « Il me rend malade par son attitude, ses remarques désobligeantes ». Un contact prolongé avec un manipulateur engendre un sentiment de culpabilité, d’anxiété, de peur ou de détresse. Ces sentiments s’installent et deviennent de plus en plus lourds avec le temps. Les conséquences sont multiples : dépression, angoisse, stress, maux de tête, troubles digestifs, nervosité, tensions musculaires, manque de sommeil, troubles cardiovasculaires, troubles cutanés, etc. À long terme, une maladie grave peut en résulter.

Les moyens pour contrer la manipulation

Pour éviter d’être détruit par un manipulateur, il est très important de se protéger. Il faut pour cela utiliser la technique, dite du brouillard, c’est-à-dire d’un mode de communication floue et superficielle consistant à ne pas s’engager. Il peut s’agir d’une réponse humoristique ou ironique, ou encore d’une réponse ferme de refus. Le manipulateur s’éloigne rapidement d’une personne insensible à son pouvoir. Il ne peut se sentir supérieur vis-à-vis d’un indifférent, puisque ce dernier ne réagit pas aux provocations, aussi subtiles soient-elles. Le manipulateur glisse complètement sur un indifférent. Le principe est de toujours répondre avec indifférence et de faire en sorte que le manipulateur le comprenne rapidement. Il est important de répondre du tac au tac, sans animosité, ni agressivité. Les principes sont les suivants :

- Faire des phrases courtes.
- Rester dans le floue.
- Utiliser des phrases toutes faites, des proverbes, etc.
- Utiliser le "on" régulièrement.
- Faire de l’humour si la situation le permet.
- Sourire, surtout en fin de phrase.
- Faire de l’auto-dérision.
- Rester poli.
- Ne pas entrer dans des discussions qui ne mènent à rien.
- Éviter l’agressivité.
- Ne pas tenter de se justifier, car c’est impossible avec un manipulateur.
- Faire de l’ironie, si le contexte le permet.

En bref, il faut faire en sorte que notre comportement soit celui d’un indifférent. Le contrôle de soi est important pour éviter tout débordement d’émotions négatives pour soi.

Voici quelques exemples de phrases courtes : a) C’est votre opinion ! b) Vous pouvez le penser, c’est votre droit ! c) C’est votre interprétation ! d) Prenez-le comme vous le voulez ! e) C’est une façon de voir ! f) Personne n’est parfait ! g) Ça peut arriver à tout le monde ! h) Je n’ai pas le don de voyant ! i) Chacun ses goûts ! j) Ne vous inquiétez pas pour moi ! k) Il ou elle a ses raisons ! l) On ne commencera pas à tomber dans les ragots ! etc. Des réponses courtes déstabilisent le manipulateur en ce sens qu’il ne peut jouer son jeu.

Conclusion

Il faut être conscient des dommages considérables causés par un manipulateur et il faut s’en protéger. À moins de vivre cloîtrés, nous allons rencontrer des manipulateurs au cours de notre vie. Ils sont heureusement peu nombreux et leur existence ne doit pas nous rendre méfiants vis-à-vis tout le monde. Sachons nous fier à notre instinct de survie et soyons à l’écoute de nos émotions. Puisque le manipulateur ne changera pas, à moins d’une thérapie, il est inutile de tenter de le changer soi-même. Il faut simplement se protéger sans créer de guerres inutiles et sans fin. Notre salut réside dans notre ferme détermination à ne jamais se faire manipuler par qui que ce soit.

Sources :

Abgrall, Jean-Marie, Tous manipulés, Tous manipulateurs, Paris : First, 2003
Ettori, Fernand et Pascal Génot, Manipulé, Moi ? Jamais ! Influence et manipulation dans la vie quotidienne, Paris : First, 2006
Goleman, Daniel, L’intelligence émotionnelle, Paris : J’ai lu, 2004, c1997
Lalord, François et Christophe André, Comment gérer les personnalités difficiles ? Paris : Odile Jacob, 1996
Nazare-Aga, Isabelle, Les manipulateurs sont parmi nous. Qui sont-ils ? Comment s’en protéger ? Montréal : Éditions de l’homme, 1997
Ruben, Douglas H., Le sentiment de culpabilité : dix étapes pour s’en libérer, Saint-Jean-de-Braye, France : Dangles, 1996
Thomas, Gordon, Enquête sur les manipulations mentales : les méthodes de la CIA et des terroristes, Paris : Albin Michel, c1989