samedi 7 mai 2005

La jalousie

Qu’est-ce qui se passe dans un cerveau jaloux ? Qu’est-ce qui suscite ce flot d’émotions, parfois dévastatrices ?

L’article de Marie-Pier Elie sur « les vertus de la jalousie » permet d’en comprendre le mécanisme, de savoir ce qui la déclenche et ce qu’en dit la science.

La jalousie n’est pas une invention humaine. Sur plusieurs points, nous ne sommes pas différents des animaux. Nos réactions de jalousie sont commandées par des mécanismes biologiques « vieux comme le monde » ; la résultante des millions d’années d’évolution qui ont permis à l’être humain de survivre et de transmettre ses gènes. C’est ce qu’affirment les psychologues évolutionnistes.

Selon l’anthropologue Bernard Chapais, « seul le mâle manifeste de la jalousie au sein de la plupart des espèces animales, parce qu’il est le seul à en retirer un véritable avantage ». La raison principale en est l’incertitude paternelle. Une femme est la mère biologique de son bébé ; pour son compagnon, c’est loin d’être aussi certain. Un homme a donc tout avantage à limiter le nombre de concurrents à la course à la fécondation.

Les femmes ne sont pas pour autant épargnées par la jalousie. Leur jalousie a moins à voir avec la transmission de leurs gènes mais davantage à leur survie (au sein de leur progéniture). La jalousie leur permettrait de garder son « pourvoyeur » à ses côtés pour ne pas assumer seules le fardeau de la procréation.

Y a-t-il une différence entre les types de jalousie masculine et féminine ? Selon des recherches, il y en aurait une.

Le psychologue américain David Buss a demandé à plusieurs sujets d’imaginer leur partenaire en relation avec une autre personne selon deux scénarios (dans le premier, le partenaire avait un rapport sexuel avec l’autre personne ; dans le second, il en tombait amoureux et développait un attachement profond envers elle). Le premier scénario générait une détresse plus importante chez les hommes (60%) alors que les femmes (83%) trouvaient le second plus menaçant. Ces résultats ont été corroborés par plusieurs autres études.

Les hommes préfèrent donc l’infidélité émotionnelle de leur compagne ; les femmes optant davantage pour l’infidélité sexuelle (un moindre mal, compte tenu de l’idée encore répandue qu’un homme peut avoir une relation sexuelle avec une autre femme sans éprouver quoi que ce soit à son endroit).

Qu’est-ce qui se passe dans un cerveau jaloux ?

Il semble que ce soit très difficile à cerner. La jalousie ne serait pas une émotion biologique mais davantage un trouble de la relation avec les autres (Jean-Didier Vincent, neurobiologiste).

Des expériences ont été tentées pour soigner des patients trop jaloux à l’aide de médicaments qui modifient le niveau de sérotonine. Les antidépresseurs faisaient disparaître les symptômes mais la passion s’en trouvait éteinte elle aussi.

La jalousie : piment et ciment du couple ? Il semble que oui. Sans jalousie, l’amour serait insipide ; toutefois, en quantité excessive, il deviendrait invivable.

Les femmes susciteraient intentionnellement la jalousie afin d’intensifier l’engagement de leur partenaire, pour renforcer sa confiance en elles ou pour tester la solidité de leur union. Les hommes auraient recours à d’autres tactiques pour conserver leur partenaire (vigilance, attention accrue à sa compagne, parfois même la violence).

Quand la jalousie devient-elle pathologique ? Lorsqu’elle est suscitée par une menace purement imaginaire (Serge Lecours, professeur à l’Université de Montréal).

Où se trouvent les racines de la jalousie ? De plus en plus de chercheurs rattachent la jalousie à la petite enfance. La thèse retenue : la jalousie serait apparue en guise de réponse à la compétition que se livraient les rejetons pour obtenir les ressources limitées de leurs parents (dans la peur de perdre une ressource au détriment d’autrui).

La jalousie et l’envie sont-elles à distinguer ? Oui, en effet. La Rochefoucauld faisait cette remarquable distinction : « La jalousie est en quelque sorte juste et raisonnable puisqu’elle ne tend qu’à conserver un bien qui nous appartient ; au lieu que l’envie est une furieuse qui ne peut souffrir le bien des autres. »

Source principale :

Elie, Marie-Pier, « Les vertus de la jalousie », Québec Science, mai 2004, p. 15 à 21

Autres références :

Buss, David, Les stratégies de l’amour : comment hommes et femmes se trouvent, s’aiment et se quittent depuis 4 millions d’années, Paris : Interéditions, 1994
Kirouac, Gilles, Cognitions et émotions, Québec : Presses de l’Université Laval
Kirouac, Gilles, Les émotions, Sillery : Presses de l’Université du Québec, 1990
Pasini, Willy, La jalousie, Paris : O. Jacob, 2004
Pasini, Willy, À quoi sert le couple ?, Paris : O. Jacob, 1996
Pasini, Willy, Nourriture et amour : deux passions dévorantes, Paris : Payot : Rivages, 1995
Vincent, Jean-Didier, Biologie des passions, Paris : O. Jacob, 1994

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