Seize ans après le Déclin de l’empire américain (1986), Denys Arcand réalise Les invasions barbares (2003), un film qui réunit les mêmes personnages que le Déclin et qui, comme celui-ci, connaît le succès au Québec et ailleurs dans le monde. Dans Les invasions barbares, Arcand décrit les méandres de l’agonie de Rémi, un professeur d’histoire assez porté sur la chose qui, atteint d’un cancer incurable, vit ses derniers moments. Ne nous attardons pas sur cet excellent film pour nous consacrer sur sa fin qui nous montre Rémi alité, entouré de ses amis. Là, devant les yeux ébahis de ses camarades, il raconte que, pendant toute sa vie, il s’est endormi le soir avec, dans son lit, les plus belles femmes du monde. Parmi ces femmes, le nom de Françoise Hardy figure en tête de liste. C’est d’ailleurs sur la chanson L’amitié que se clôt ce film, une fort jolie chanson, d’ailleurs, un véritable hommage à l’amitié, cette forme privilégiée de la relation humaine.
François Hardy représente à mes yeux l’archétype de la féminité française telle qu’on se l’imaginait à la fin des années 1960. À compter de l’âge de douze ans, je pensais aussi à elle, le soir, avant de m’endormir. Plus tard, à l’âge adulte, j’ai fini par l’oublier comme on oublie toujours, ingrats que nous sommes, nos premières amours pour les remplacer par d’autres qui, en fin de compte, n’en valent pas vraiment la peine. Puis elle a fini par épouser Jacques Dutronc, ce qui a vraisemblablement eu pour effet de décourager les amoureux les plus tenaces...
En toute honnêteté, à l’exception de Tous les garçons et les filles de mon âge, je ne connais pas bien les chansons de François Hardy. Après le visionnement des Invasions barbares, j’ai écouté L’amitié sur YouTube, de même que Voilà. Mais c’est Mon amie la rose qui retient toute mon attention. Après plusieurs écoutes, c’est celle-ci que j’ai envie de partager avec vous. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’une chanson étonnante pour une jeune fille d’à peine vingt ans, assez superficielle au premier abord. Étonnante parce que Mon amie la rose aborde le thème, assez rare dans la chanson de variété, du vieillissement et de la mort. Voici ses dernières strophes :
On est bien peu de chose
Et mon amie la rose
Est morte ce matin
La lune cette nuit
A veillé mon amie
Moi en rêve j’ai vu
Éblouissante et nue
Son âme qui dansait
Bien au-delà des nues
Et qui me souriait
Crois celui qui peut croire
Moi, j’ai besoin d’espoir
Sinon je ne suis rien
Ou bien si peu de chose
C’est mon amie la rose
Qui l’a dit hier matin
Étonnant - n’est-ce pas ? - de regarder une jeune femme, qui a toute la vie devant elle, chanter qu’elle est bien peu de chose et qu’elle finira poussière... Du coup, elle me plaît à nouveau, cette Françoise Hardy.
Je vous invite à écouter Mon amie la rose :
Françoise Hardy, qui est une excellente parolière, n’a toutefois pas écrit Mon amie la rose. C’est Cécile Caulier qui l’a faite pour elle en 1964.
– Billet de Daniel Ducharme